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Introduction
« La justice ne se rend ni dans la rue, ni sur les réseaux sociaux, ni dans les
médias ». Cette phrase prononcée par Eric Dupond-Moretti à l’Assemblée
Nationale en juillet 2020 lors de son discours de politique Judiciaire à l’Assemblée Nationale souligne une liberté fondamentale : seul le tribunal est le véritable lieu de rendu des décisions de justice. Cependant cette déclaration met
également en lumière une di昀케culté : bien que la justice ne soit pas rendue
dans les médias, elle y est néanmoins racontée, analysée et parfois jugée.
Ce rapport entre salle d’audience et opinion publique n’est pas nouveau. Dès l’Ancien Régime, les
avocats utilisaient la presse pour dénoncer des
abus. L’affaire Jean Calas, défendue par Voltaire,
illustre parfaitement ce phénomène : mobiliser
l’opinion s’est révélé être un moyen e昀케cace de
corriger les erreurs judiciaires. Plus d’un siècle
plus tard, l’affaire Dreyfus démontrera l’impact des
médias : sans Zola et son célèbre « J’accuse »,
il n’y aurait pas eu de révision du procès, et sans
Drumont et la « Libre Parole », il est probable qu’il
n’y aurait pas eu de condamnation. Ainsi, la presse
apparaît comme un double tranchant : à la fois défense contre l’injustice et ampli昀椀cateur de fausses
accusations.
Et force est de constater que depuis quelques
années, trois scènes coexistent dans le domaine
judiciaire :
- Les salles d’audience : où les juges appliquent la loi,
- Les médias : qui informent et vulgarisent,
- Les réseaux sociaux : où la parole publique
s’exprime.
La justice fascine, inquiète, parfois divise.
La médiatisation croissante des affaires répond
à une attente citoyenne forte, et les journalistes
assument alors un rôle éducatif : expliquer des procédures complexes, rendre lisibles des décisions,
éclairer les conséquences des évolutions législatives. Pour les avocats, se faire entendre dans les
médias devient une stratégie cruciale pour défendre
leurs clients ou contrer des accusations publiques.
Les magistrats, eux, tentent le juste équilibre entre
le silence nécessaire et la pédagogie informative.
Au xxie siècle, cette dynamique s’intensi昀椀e.
Les grands enjeux sociétaux in昀氀uencent l’opinion publique ; les avocats commencent à faire
entendre leur voix dans les colonnes des journaux tandis que certains juges deviennent
des personnalités médiatiques. Toutefois, des
affaires telles que les affaires « Outreau » ou
« Gregory » rappellent que le tribunal médiatique
peut également nuire à la justice en remettant
en question la présomption d’innocence.
Entre salle d’audience et médias, les avocats
et magistrats évoluent donc sur une ligne ténue.
Dès lors une question s’impose : les médias
sont-ils un levier pour leur action ou un obstacle
à leur mission ?
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