LexMag 7 - Magazine - Page 14
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La défense se fait avant
tout à l’audience.
C’est notre forum naturel.
Bien sûr, il y a parfois
une défense à mener à
l’extérieur, mais il faut
rester vigilant et ne jamais
privilégier les médias au
détriment du tribunal.
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C’est un combat permanent. Avec Marie Dosé, nous
avons écrit un livre1 pour rappeler que la présomption d’innocence n’est pas là pour protéger les coupables, mais pour protéger chaque citoyen. Vous,
moi, n’importe qui peut être accusé demain. Dans
une démocratie, on ne doit pas céder à l’arbitraire.
Aujourd’hui, tout le monde se fait juge sur les
réseaux sociaux. C’est une société prompte au
jugement expéditif, parfois à la dénonciation. C’est
malheureux, mais c’est aussi notre rôle, comme
avocats, d’expliquer, de calmer, de faire de la pédagogie, pour que cette notion redevienne évidente.
Comment accompagnez-vous vos clients face
à cette médiatisation ?
C’est souvent di昀케cile. Beaucoup sont frustrés qu’on
leur conseille de se taire. Mais je leur explique que
tout est une question de moment. Il y a un temps
pour parler, quand on a un élément judiciaire solide.
Éloge de la
présomption
d'innocence
Mais répondre à chaud est souvent inutile : la voix de
la défense est étouffée par l’accusation.
Je les pousse à se projeter : « Vous voulez parler,
mais après, que se passera-t-il ? » Ça les aide à
comprendre que parfois, le silence est leur meilleure
défense. C’est dur, car se taire donne l’impression
de subir. Mais c’est parfois la meilleure stratégie.
Les prises de parole médiatiques in昀氀uencent-elles
un procès ?
Je crois qu’elles peuvent avoir un impact, mais
souvent négatif. La défense se fait avant tout à
l’audience. C’est notre forum naturel. Bien sûr, il y
a parfois une défense à mener à l’extérieur, mais
il faut rester vigilant et ne jamais privilégier les
médias au détriment du tribunal.
Les réseaux sociaux bousculent-ils la déontologie
des avocats ?
Les règles actuelles s’appliquent toujours. C’est à
chacun de les respecter, et à l’Ordre de veiller à ce
qu’elles le soient. La parole de l’avocat est libre à
l’audience. Si elle est inadaptée, c’est le client qui
en subira les conséquences. Je ne crois pas qu’il
faille davantage encadrer ou « policer » la défense.
Vous avez plaidé des affaires très médiatisées. Vous
êtes-vous déjà dit : « C’est trop gros pour moi » ?
Non. D’abord parce qu’on travaille souvent à plusieurs dans les affaires complexes. Cela permet
de conjuguer les styles, les voix, les compétences.
Parfois, on a besoin d’un appui technique.
Parfois, c’est simplement plus e昀케cace pour le
client. Pour moi, ce n’est pas une question de me
rassurer, mais de servir au mieux la défense.
Votre vie privée a aussi été extrêmement exposée
du fait de votre conjoint Benjamin Griveaux,
comment avez-vous surmonté tout ce bruit ?
Ce n’était pas moi en première ligne. Et surtout,
- Marie Dosé
et Julia Minkowski
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