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justice, j’ai écrit des livres sur l’histoire des avocats,
donc les deux pour moi, comment dire, sont cohérents avec l’idée d’une certaine publicité ou d’une
certaine médiatisation.
de position du parquet (comme le fameux « PNF »)
relèvent aussi d’une logique de communication, d’af昀椀chage politique, d’envoi de signaux. Ce n’est donc
jamais exclusivement du droit.
Cela m’a toujours fait sourire : en déontologie,
on nous enseignait — et c’est encore valable — que,
pour accorder une interview pendant un procès,
il faudrait d’abord demander l’autorisation du bâtonnier. Or, imaginez-vous au sommet des marches du
Palais, à la sortie d’une audience ; un journaliste vous
tend le micro pour le journal de 20 heures qui passe
dans une heure… Allez-vous appeler le bâtonnier à
ce moment-là ? C’est tout simplement impossible.
C’est là que cela peut devenir dangereux : vous l’avez
dit, lorsqu’on descend les marches du palais, on est
parfois « cueilli » à chaud. Tout l’enjeu est de parler
au bon moment, de prendre le temps de ré昀氀échir ;
c’est toute la complexité de l’exercice.
"
Un article n’est pas une
publicité ; c’est le travail
d’un journaliste, pas
celui d’un communicant,
et je respecte cette
différence.
"
La médiatisation des affaires juridiques vous
semble-t-elle toujours utile ? Pour quels dossiers,
en particulier ?
Pour beaucoup de dossiers, oui. L’opinion publique
compte, et les juges restent humains. L’avocate chez
qui j’ai débuté et qui est devenue ensuite magistrate
répétait : « Si tout était pure mécanique, la machine
trancherait. Or c’est un humain ; tout entre en ligne
de compte. Ce qu’il a entendu au café, ce que lui dit
sa femme, la dispute du matin ou même un divorce
la veille ». Dans les affaires pénales sensibles —
j’ai beaucoup plaidé aux assises quand j’étais jeune
— le président ou la présidente est présent(e), bien
sûr, mais le jury populaire pèse lourd. On ne s’en rend
pas toujours compte, et pourtant, malgré l’autorité
des magistrats professionnels qui siègent avec eux,
cela in昀氀uence énormément. On le voit : dans bien
des dossiers délicats, certaines décisions ou prises
Justement, je ne m’exprime pas systématiquement.
Bien des fois, j’ai refusé de répondre ; je ne dis
jamais « je vous refuse l’interview », mais je décline.
Très souvent, je passe plutôt par l’off : c’est une
autre manière de communiquer.
Vous faites con昀椀ance aux journalistes pour
ce qu’ils « rapporteront » ?
Oui, à ceux que je connais. Avec l’expérience, on
sait reconnaître ceux qui travaillent sérieusement,
recoupent leurs sources, ceux chez qui le « off »
a du sens. Quand il s’agit d’un journaliste dont je n’ai
jamais lu les articles, je prends des précautions ; je
n’improvise pas tous azimuts. Mais dès lors qu’on
a affaire à des professionnels de con昀椀ance, on peut
dialoguer e昀케cacement et cela permet aussi d’avoir
aussi une remontée d’informations, un angle qu’on
n’avait pas entendu.
Dialoguer avec la presse est essentiel, et plus encore
aujourd’hui. Le nombre de procès ou de débats de
société à dimension judiciaire massivement médiatisés est impressionnant ; prétendre que cette
couverture n’in昀氀ue en rien sur le déroulement d’une
affaire serait vivre hors sol. Elle in昀氀ue, donc il faut
l’intégrer dans la stratégie de défense. Et, pour le
dire franchement : dans une profession où la publicité directe reste interdite, les médias demeurent
aussi un moyen naturel de se faire connaître.
Et de se montrer, bien sûr.
Bien sûr, de se montrer, bien sûr.
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