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mais votre management a été sanctionné. Quel
bilan en tirez-vous ? Y a-t-il des choses que vous
auriez voulu faire autrement, des éléments que
vous n’avez pas saisis sur le moment ? En bref,
cette affaire vous a-t-elle changé ? Quelles émotions en avez-vous gardées ?
ni certaines convictions appartenant au camp de
l’humanisme. Pourtant je laisse volontiers le rôle
du « méchant » prendre le dessus et je parle peu
de mes dossiers pro bono ou des coups de main
que je rends. C’est sans doute un tort. Au fond, j’y
crois vraiment : le cœur du métier d’avocat, c’est
l’aide humaine qu’on apporte — fut-elle minuscule.
Et cela vaut pour moi comme pour d’autres pénalistes qu’on imagine durs ou arrogants : derrière
la robe, il y a souvent beaucoup plus d’humanité
qu’il n y paraît.
C’est un mélange. Bien sûr, il y a des actes qu’on
regrette et d’autres qui ont été mal interprétés. Il y
a aussi, je le constate, une part de jalousie — sans
que ce soit un complot. Lorsqu’on subit une sanction, on est obligé de se remettre en question ;
impossible d’y échapper. Parmi les reproches non
sanctionnés, on m’a surtout dit que je m’exposais
trop ; certains amis m’ont conseillé de moins parler
dans les médias, de me faire discret sur les réseaux
sociaux. Franchement, je n’en ai aucune envie, et je
ne crois pas que cela changerait quoi que ce soit.
Si vous n’aviez pas embrassé la carrière d’avocat
— même si tout semble avoir été taillé pour vous
— quel autre métier auriez-vous pu exercer ?
Franchement, je ne vois pas. Malgré les moments
di昀케ciles, je répète autour de moi qu’on ne mesure
pas la chance inouïe d’exercer cette profession.
Elle donne un pouvoir d’agir, une variété d’affaires,
des interlocuteurs d’une qualité intellectuelle
rare — journalistes aguerris, magistrats chevronnés, clients parfois géniaux. J’ai d’ailleurs cessé
depuis longtemps de défendre, au pénal, des
gens incapables de comprendre une stratégie :
je fais un tri, non pas social, mais sur leur aptitude
à suivre le raisonnement de la défense. Cette exigence m’a offert des rencontres exceptionnelles.
Disparaître n’est pas la solution ; j’ai simplement
ajusté ma communication pendant quelque temps.
Ayant accompagné nombre de clients dans des
crises médiatiques, j’ai appliqué à moi-même les
règles que je leur enseigne : prendre du recul,
doser les réponses, bloquer quand c’est stérile.
Au lieu de fuir les réseaux, je les observe vraiment ;
je réponds, ou pas, je bloque si nécessaire. Bref,
j’ai géré la situation comme je gère celles de mes
clients, pour améliorer ma propre position, ma
situation, ma publicité.
Prenez Michel Houellebecq : nous avons préparé son procès, mais aussi sa communication
Qu’aimeriez-vous qu’on dise de vous ?
Que je suis un bon avocat — ça se dit, parfois !
Mais « bon » ne renvoie pas seulement à la technique ; j’aimerais surtout qu’on perçoive l’humanité
derrière la carapace du « pitbull ». Je ne cache ni
mon engagement, y compris ma franc-maçonnerie,
Pour aller plus loin
Quand les avocats font
l'Histoire : De l'Antiquité
à nos jours
Emmanuel Pierrat • 2022
Procès de sang - Les affaires
criminelles qui ont marqué
l'histoire de France
Il était une fois Peau d'Âne
Rosalia Varda-Demy
et Emmanuel Pierrat • 2020
Emmanuel Pierrat • 2020
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