Numero 5 Lexmag - Flipbook - Page 24
Oui c’est vrai qu’il y a un vrai besoin de
reconnaissance d’une vie après le travail. Et ça
n’était pas entendu. Les horaires ont évolué, mais
pas la posture. Je voulais partir à 19h, j’ai pu le
faire, mais régulièrement j’avais des ré昀氀exions
« vos horaires sont un problème ». Pourtant, 19h,
ce n’est pas tôt.
Dans le cadre de ce dossier
sur le management en
cabinet d’avocats, nous
avons souhaité interroger des
collaborateurs. Si personne n’a
souhaité s’exprimer à visage
découvert, ce témoignage
anonyme d’une collaboratrice
devenue associée dans un
cabinet permet de partager
une expérience personnelle,
avec ses questionnements,
ses ressentis, et des pistes
de ré昀氀exion sur les pratiques
managériales actuelles.
L’un des associés disait « moi, je travaille tous les
soirs tard », comme si on devait faire pareil.
Mais nous n’étions pas pareils. Et cela n’était
jamais reconnu.
Et puis il y avait un gros problème de
communication aussi. Le vocabulaire utilisé
était très problématique : « je vais vous marquer
à la culotte », « ça va les poulettes », etc. Des
expressions très paternalistes, qui vous rabaissent.
On recevait souvent des piques, des ré昀氀exions,
insidieuses. Au début, on ne se rend pas compte.
Mais à la 昀椀n, ça use.
Et ça impacte la dynamique d’équipe, j’imagine ?
Sandrine Jacquemin : Quelles étaient, selon
vous, les principales di昀케cultés en matière
de management dans votre expérience
précédente ?
Complètement. Vous êtes en alerte constante,
en vous disant que vous allez vous prendre une
ré昀氀exion. Même pour des choses minimes.
Témoignant : Selon les avocats gérants du cabinet
où j’étais, il y avait clairement cette idée que « ça a
toujours été comme ça, donc ça ne changera pas ».
Ils disaient qu’ils avaient connu des journées de
9h à 22h sans se plaindre, donc il n’y avait pas de
raison de faire autrement aujourd’hui.
En parliez-vous entre collègues ?
Oui, entre femmes notamment. On a essayé d’en
parler aux associés gérants : dire qu’on ne voulait
plus être appelées comme ça. Notre demande a été
peu comprise, la réaction de l’un d’eux a d’ailleurs
été ahurissante : « vous voulez me changer »,
« je suis donc obligé de changer ma personnalité ».
Il y avait peu de remise en question.
Ce discours revenait souvent : « Ce n’est plus
comme avant », « on ne peut plus rien vous
demander », « vous ne vous investissez pas ».
C’était assez violent.
Malgré ce contexte, arriviez-vous à travailler
ensemble « techniquement » ?
Aujourd’hui, les collaborateurs expriment plus
librement leurs besoins, notamment en matière
d’horaires. Avez-vous eu le sentiment que cette
évolution était réellement prise en compte
dans votre environnement de travail ?
Oui, techniquement, on mettait de côté. Mais
pendant les rendez-vous clients, la posture
autoritaire des associés gérants reprenait le
dessus. Même sur mes propres dossiers, je me
taisais. Ils prenaient toute la place.
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