LexMag 7 - Magazine - Page 29
Avocat passionné et engagé,
Didier Seban porte depuis
toujours la voix des victimes
oubliées. Fondateur d’un
cabinet tourné vers le service
public, il a contribué à la création du pôle «Cold Case» pour
redonner espoir aux familles
confrontées à l’attente et au
silence. Pour lui, la justice n’a
de sens que si elle écoute,
explique et répare — et la médiatisation, parfois indispensable, doit toujours servir cette
mission : remettre les victimes
au centre et défendre l’intérêt
général. Derrière le combattant
infatigable, découvrez aussi sa
grande humanité et sa profonde
délicatesse.
d’acteur : on laisse peu de traces. C’était un grand
avocat d’assises, convaincu que la parole et le
verbe étaient au cœur de tout. Ça m’a marqué.
J’ai été partie civile dans le procès Touvier, ce qui
m’a donné le goût des liens entre histoire et droit.
Et puis j’ai toujours eu le désir de servir le public.
C’est le service public qui crée du lien social, qui
permet de vivre ensemble.
C’est ce qui m’a conduit à créer un cabinet d’abord
dédié à la défense du monde public : hôpitaux, collectivités locales, départements, régions, associations… tout ce qui est non lucratif. J’ai voulu servir
le public, mais d’une autre manière.
Je me souviens qu’à l’époque, vous m’aviez dit que
vous vouliez faire du droit pénal, même si c’était
di昀케cile émotionnellement.
Oui, j’ai commencé par le pénal. J’ai défendu toutes
sortes de personnes, truands ou auteurs de délits
divers. Mais je me suis dit : je n’ai pas envie de faire
ça toute ma vie. Ces clients méritent d’être défendus – en démocratie, chacun doit l’être – mais cette
clientèle ne vous élève pas toujours, elle renvoie une
image dégradée de la société.
Petit à petit, j’ai été rattrapé par le monde
public : une commune où j’habitais m’a con昀椀é son
contentieux. Je me suis rendu compte que ce
monde n’était pas bien défendu, faute de cabinets capables de répondre à la globalité de leurs
besoins : droit pénal, droit social, propriété intellectuelle, etc. D’où l’idée d’un cabinet généraliste
dédié à ces clients. Et ça a marché, le cabinet a
beaucoup grandi.
Sandrine Jacquemin : Comment et pourquoi êtesvous arrivé au droit ?
Didier Seban : J’ai commencé par l’économie et le
droit. Quand j’étais jeune, j’avais envie de changer le
monde, je conserve cette envie. Il me semblait que
l’économie et le droit étaient les deux moteurs pour
faire évoluer la société. Je rêvais au départ de travailler dans les services de l’État, de faire l’ENA. Puis
je me suis convaincu que le métier d’avocat était un
beau métier, une manière de faire bouger les choses.
Mais j’ai aussi été rattrapé par le pénal, avec des
combats longs : près de quinze ans pour faire
condamner Émile Louis, pour faire sortir les handicapés de l’Yonne de centres où ils étaient maltraités, puis porter l’affaire Émile Louis aux assises.
Ces combats m’ont montré combien la justice
pouvait maltraiter non seulement les accusés
Des 昀椀gures vous ont-elles inspirées ?
Oui. J’ai commencé chez Jean-Louis Pelletier,
un grand pénaliste. C’est un métier comme celui
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