LexMag 7 - Magazine - Page 31
la CEDH, pour obtenir une reprise du dossier et un
jugement. Mais Fourniret est mort entre-temps.
Seule Monique Olivier a été jugée. Ce scandale a
conduit à la création du pôle des crimes non élucidés, qui a déjà repris environ cent cinquante dossiers. Il en reste encore des milliers hors champ.
Et rendre ce dispositif transfrontalier. On voudrait
aussi un cadre pour lancer très vite des appels
à témoins, même quand l’auteur n’est pas identi昀椀é.
Combien d’affaires avez-vous actuellement au pôle
Cold Case1 ?
Le cabinet suit avec une équipe animée par Marine
Allali de quatre avocats et un ancien enquêteur,
soixante-dix crimes non élucidés. Sur ces soixantedix, vingt-cinq sont au pôle.
Le pôle a fait avancer beaucoup d’affaires, mais il
reste un problème : le manque cruel d’enquêteurs
de police judiciaire. Cette profession n’attire plus,
les conditions de travail sont trop dures. Pourtant,
résoudre les meurtres devrait être une priorité.
Et vous arrivez à dormir ?
Vous voyez aussi une dimension de prévention
dans ce travail ?
Parfaitement. Sauf après le procès d’Estelle Mouzin.
Là, j’étais très en colère : la justice avait mal travaillé
et le procès a été scandaleux, sans respect pour la
parole des victimes.
Oui. Il faut identi昀椀er très tôt les personnes dangereuses et les empêcher de nuire. Les tueurs en série
ont souvent un sentiment de toute-puissance :
« j’ai échappé à la police, je suis plus fort que tout
le monde ». Si on ne brise pas ce cycle, ils recommencent. Aujourd’hui, la prison n’assure plus ce
rôle de prévention ni de réinsertion. On entasse
des gens sans travail social, on fabrique de futurs
délinquants.
Quand Fourniret est mort, c’est une part de vérité
qui est partie… Vous gardez malgré tout espoir ?
Toujours. Certaines affaires sont résolues des
décennies après. Aujourd’hui, avec de nouveaux
juges d’instruction et un parquet déterminé, il y a
une vraie volonté. Je suis sûr qu’on résoudra encore
beaucoup de dossiers. Moi, en tout cas, je continue
à mettre toute mon énergie.
Et la stari昀椀cation des tueurs en série par les séries
Net昀氀ix ou autres ?
Si ça n’avait pas été le droit ?
C’est un problème. Les tueurs ne sont pas des
génies. S’ils réussissent, c’est souvent par les
échecs de l’enquête. La stari昀椀cation est dangereuse. Moi, je refuse d’y participer. Je parle toujours
des victimes, de leur douleur, pas des tueurs. Mais
les médias, eux, 昀椀nissent par faire du criminel le
personnage central, même des décennies après.
Or les familles, elles, veulent retourner à leur vie,
construire pour les vivants.
La politique, sans doute. J’ai toujours voulu faire
bouger la société. Mais je n’ai pas trouvé de parti
correspondant à mes engagements. Finalement,
le droit m’a permis, à ma manière, de faire bouger
un petit bout de la société.
1. Le pôle consacré aux crimes sériels ou non
élucidés, prévu par la loi pour la con昀椀ance dans
l’institution judiciaire du 22 décembre 2021, a
été créé le 1er mars 2022 à l’initiative du garde
des Sceaux, Éric Dupond-Moretti.
Les réseaux sociaux ont changé la donne ?
Un peu. Aujourd’hui, je participe davantage à des
podcasts qu’aux réseaux. L’alerte enlèvement reste
basée sur les médias traditionnels. Pour toucher
les jeunes, il faudrait l’élargir aux réseaux sociaux.
Le cœur de sa mission est d’examiner les
affaires criminelles et disparitions non
élucidées plus de 18 mois après les faits,
et d’identi昀椀er les dossiers susceptibles de
connaître des avancées (nouveaux éléments ou
témoignages, pistes d’enquête non explorées,
évolution des techniques scienti昀椀ques, etc.).
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