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Avocat au Conseil d’État et à la
Cour de cassation, mais aussi
pédagogue passionné d’éloquence, Bertrand Périer n’était
pas prédestiné au droit.
et je me suis donc inscrit à Assas où j’ai fait mes
cinq années jusqu’à ce qui s’appelait alors le DEA.
C’est à ce moment-là qu’un ami m’a parlé des avocats
au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Cette
profession m’a tout de suite attiré puisque, toujours
dans cette indécision, je ne parvenais pas à choisir
entre droit privé et droit public. Et puis je voyais les
noms de ces avocats au bas des arrêts que nous
étudiions et je me disais que ça devait être intéressant d’être au plus près des juridictions qui 昀椀xent la
jurisprudence. Je suis donc entré, dès l’EFB, dans un
cabinet d’avocats aux Conseils. J’y ai été successivement stagiaire, collaborateur, puis associé.
Fasciné par le fait divers et
l’équilibre entre sécurité et
liberté, il a trouvé dans le droit
un terrain de ré昀氀exion et dans
l’art oratoire un outil d’expression et de transmission.
Défendre ou expliquer : pour lui,
la parole de l’avocat doit toujours rester 昀椀dèle à l’intérêt
du client et à la déontologie.
Derrière la rigueur juridique,
on découvre un amoureux des
mots, qui enseigne et écrit,
attaché à une parole claire,
sobre et responsable.
Et puis il y eut un petit élément perturbateur,
puisqu’à un moment, j’ai passé le concours de la
Conférence. C’est à la Conférence que j’ai découvert
le droit pénal. Je n’avais jamais étudié ni pratiqué
cette matière auparavant. Elle m’a fasciné par
sa violence. Tout est violent dans ce droit : les
dossiers, les audiences, la prison. Mais en même
temps, quel fantastique observatoire des passions
humaines, de nos fragilités, de nos peurs, de nos
misères ! Aujourd’hui, je consacre une partie importante de mon activité d’avocat aux Conseils à cette
matière mouvante, éprouvante, mais passionnante.
Et la dimension orale ?
Sandrine Jacquemin : Comment et pourquoi êtesvous arrivé au droit ? Avez-vous été in昀氀uencé par
votre famille ou une 昀椀gure ?
C’est une dimension qui, au début, ne m’attirait pas
du tout. Je peux même dire que je m’en mé昀椀ais. Je
me faisais du droit l’image d’une sorte de science
exacte où chaque question appelait une et une
seule réponse dans un raisonnement implacable,
et je ne voyais pas bien l’utilité de venir perturber
ce bel ordonnancement par des plaidoiries. Au
demeurant, cette approche était aussi une façon de
justi昀椀er un mutisme qui était d’abord le signe d’une
grande timidité. Mais au bout d’un moment, je me
suis dit qu’il me manquait une dimension orale dans
mon exercice, et c’est la raison pour laquelle j’ai
passé le concours de la Conférence, comme un petit
Bertrand Périer : Non, pas du tout. Il n’y a pas de
juriste dans ma famille. En réalité, l’orientation vers
les études de droit a plutôt été le fruit d’une indécision. N’ayant pas d’idée précise de métier après
le baccalauréat, j’ai tenté le concours de Sciences
Po, qui me semblait le plus généraliste. C’est là que
j’ai découvert le droit. J’ai bien aimé cette matière,
parce qu’elle révèle et régule les mouvements à
l’œuvre dans nos sociétés, entre la sécurité et la
liberté, entre la responsabilité et la solidarité, entre
l’individuel et le collectif. J’ai souhaité l’approfondir
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