LexMag 7 - Magazine - Page 34
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À côté de cette parole
d’explication, il y a la
parole de défense, celle de
l’avocat qui estime devoir
porter la parole de son
client au-delà de l’enceinte
judiciaire, dans les médias
Cette parole obéit à deux
boussoles : l’intérêt du
client et la déontologie.
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dé昀椀 personnel et professionnel. C’était mon premier
contact avec l’art oratoire.
Pour vous, la parole est-elle un jeu ou un instrument ?
Elle est l’un et l’autre au gré des situations.
Il y a la parole du jeu et la parole de l’enjeu. Il y a
des moments festifs où l’éloquence est un exercice
de style assumé, juste pour la beauté de la langue
et la virtuosité du discours, et puis il y a la parole
de l’audience, qui est de l’ordre de la conviction,
de la responsabilité, de la rigueur, de la sobriété,
de la clarté.
Les avocats et magistrats ne sont pas toujours
formés à l’exercice de la parole juridique. Quels
sont, selon vous, les enjeux de la prise de parole
face aux médias ?
Il y a, je crois, deux situations médiatiques pour
les avocats, si j’exclus la situation de l’avocat-chroniqueur qui, à la manière d’un éditorialiste, commente l’actualité dans son ensemble. Il y a l’avocat
qui explique et l’avocat qui défend. L’avocat qui
explique est celui qui apporte sur un plateau le
regard d’un professionnel du droit sur un fait d’actualité. Je sais que certains considèrent que cette
parole est illégitime, puisqu’elle revient souvent
à commenter des affaires dont on n’est pas saisi.
Je crois au contraire pour ma part que les avocats sont tout à fait dans leur rôle quand, sans
évidemment ne jamais critiquer la stratégie de
défense d’un confrère ou prendre parti sur le fond,
ils décryptent et éclairent pour le grand public à
l’occasion d'affaires, le fonctionnement de la justice, les notions juridiques en jeu ou le sens d’une
décision. Le dé昀椀 de cette prise de parole pédagogique est celui de la précision, de la clarté, de la
concision, de la neutralité.
À côté de cette parole d’explication, il y a la parole
de défense, celle de l’avocat qui estime devoir
porter la parole de son client au-delà de l’enceinte
judiciaire, dans les médias. Cette parole obéit à
deux boussoles : l’intérêt du client et la déontologie. L’intérêt du client, puisqu’il s’agit de savoir
si cette expression médiatique sert la défense du
client, par exemple parce qu’elle permet d’imposer
dans l’opinion publique un contre-récit par rapport
à celui véhiculé par la partie adverse, parce qu’elle
contrecarre des rumeurs ou parce qu’elle recti昀椀e
des inexactitudes. Et bien sûr nos principes essentiels, au premier rang desquels le respect des divers
secrets auxquels nous sommes soumit : celui de
l’enquête, celui de la relation avec le client. Il faut
une vraie solidité pour ne pas céder à la tentation
de complaire aux médias en révélant des informations con昀椀dentielles, mais c’est une discipline que
l’on doit s’imposer, également à l’heure des réseaux
sociaux, où l’on voit des avocats faire et dire littéralement n’importe quoi pour attirer l’attention ou
glaner un peu de notoriété.
Donc ça suppose de se préparer, un peu comme
un sportif ?
Exactement. L’imprudence ou le péché d’orgueil
sont vite arrivés. C’est pourquoi il faut se 昀椀xer des
limites, un périmètre, et s’y tenir : je vais dire cela, et
seulement cela, parce que c’est cela que j’ai mandat
de dire, et je n’irai pas au-delà, quitte à décevoir les
journalistes ou les téléspectateurs. Il y a sur ce point
un véritable modèle, qui devrait être montré dans
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