LexMag 7 - Magazine - Page 35
toutes les écoles d’avocats : l’interview d’Alexandre
Silva sur le plateau de BFM où il est interrogé en
tant qu’avocat de la personne suspectée d’avoir
tué la petite Lola. Assailli de questions, il se borne
à démentir une rumeur et invoque pour le reste le
secret professionnel, avec élégance et fermeté.
Bien parler, ça s'apprend !
Tout comme convaincre
un auditoire. C'est ce que
vous entraîne à faire l'avocat
Bertrand Périer, fort de son
expérience de la plaidoirie.
En cinq épisodes, apprivoisez les meilleurs outils de
l'éloquence pour prendre
la parole, et défendre vos
arguments.
Peut-on convaincre en étant un mauvais orateur ?
Oui, dans les procédures écrites ! Au-delà de
la boutade, il y a en effet des juridictions dans
lesquelles l’oralité est rare. C’est le cas devant
la Cour de cassation, où la plupart des affaires
sont jugées sans être plaidées, sur la base
d’une instruction uniquement faite d’échanges
de mémoires. C’est le terrain d’élection de la
rigueur argumentative, de la précision lexicale,
de la plume plus que du verbe. Et lorsque l’oralité
s’invite dans les prétoires, sa nature dépend des
juridictions, de l’affaire et des plaideurs : tantôt
technique, tantôt emportée, tantôt pédagogique,
tantôt sobre, tantôt lyrique. L’essentiel étant
d’être crédible au regard des éléments du dossier
et 昀椀dèle à la parole de celui que l’on défend, et
d’aider le juge à prendre la meilleure décision.
Ghislain de Haut de Sigy
«"Bannissez ces 5 mots de
votre langage". Nous les utilisons tous les jours... mais
ils ruinent la force de votre
message, selon Bertrand
Périer», Psychologie.
22 juillet 2025. En ligne
outrances. Le droit, c’est tout ce que l’opinion
publique déteste : le contradictoire, le débat, la
nuance, la présomption d’innocence, le doute. Cela
ne signi昀椀e pas que le droit ne doit pas évoluer en
fonction des attentes des citoyens et des mutations technologiques, économiques, sociétales.
Et les juges ont un rôle dans cette évolution, pour
la provoquer, l’accompagner. Mais la justice est
rendue au nom du peuple français, pas au nom de
l’opinion publique.
Et l’opinion publique, quelle place occupe-t-elle
aujourd’hui ?
Chacun connaît l’exclamation de Moro-Giafferi
à propos de l’opinion publique : « cette intruse,
cette prostituée qui tire le juge par la manche ! ».
Elle est encore d’actualité, puisque l’on voit régulièrement une « opinion publique » dont on ne sait
d’ailleurs pas vraiment ce qu’elle recouvre, contester telle ou telle décision, vitupérer un prétendu
laxisme judiciaire, réclamer une réponse pénale
immédiate et impitoyable. L’opinion publique,
c’est la foule décrite par Gustave Le Bon : suggestible, éruptive, elle est dotée d’une psychologie
distincte de celle des membres qui la composent,
qui tend à plus d’emportement, plus d’irrationnel,
plus d’excès. C’est la raison pour laquelle l’état de
droit, aujourd’hui si controversé est en réalité si
important : il nous prévient contre nos propres
Vous enseignez aussi l’art oratoire. Comment
formez-vous vos élèves ?
J’enseigne à Sciences Po et dans le cadre du programme Eloquentia, en Seine-Saint-Denis.
La plupart de mes étudiants ne sont pas juristes.
Ils étudient l’histoire, la sociologie, les langues, la
science politique. Je leur apprends essentiellement
à donner une structure à leurs idées, à construire
un discours clair, à convaincre. L’idée, c’est de leur
permettre de porter leur voix dans la société, que
ce soit une voix politique, associative, syndicale,
35