Numero 5 Lexmag - Flipbook - Page 38
capable de trouver ses propres solutions. Croire en
lui en fait.
Et comment rendre le collaborateur autonome ?
Tu écoutes, tu poses de questions — « Qu’est-ce
qui est di昀케cile ? », « de quoi aurais-tu besoin ? »
« Qu’est-ce que tu proposes ? » — pour rendre l’autre
acteur. La solution infantilise alors que la question
autonomise. Tu passes d’une relation de type parentenfant… à une vraie relation d’adulte à adulte.
J’aimerais qu’on parle du droit à l’erreur. C’est une
notion qu’on évoque beaucoup… mais qu’on a du
mal à incarner.
Complètement. Déjà parce que, pour qu’il y ait un
droit à l’erreur, il faut commencer par « reconnaître
qu’il y a eu une erreur ». Et c’est rarement le cas.
Un manager qui dit « Je me suis planté », ça reste
exceptionnel.
Tu veux dire qu’il faut modéliser ça, montrer que
c’est possible ?
Exactement. Si moi, en tant que manager, je ne dis
jamais que je me suis trompé, inconsciemment je
dis à mes équipes : « Toi non plus, tu n’as pas le droit
à l’erreur. » Et le jour où elles se trompent, elles vont
me le cacher. Ou ne plus oser prendre d’initiatives.
Donc tu tues la créativité et l’autonomie.
Oui. Tu fais tout l’inverse de ce que tu dis
vouloir faire. C’est pour ça que je conseille aux
managers d’avoir une technique pour débriefer
pédagogiquement une erreur. Il est aussi intéressant
de demander des retours et de se doter de phrases
ré昀氀exes : « Merci pour ce feedback, je vais y
ré昀氀échir. » Rien que ça, ça ouvre un espace. Et c’est
mieux que de se justi昀椀er ou de lancer des « oui,
mais.. » qui couperont l’envie aux collaborateurs
de donner des retours. L’enjeu est de créer de la
transparence dans les échanges.
Et ça désamorce aussi le jugement, non ?
Tout à fait. Parce que dans un environnement
où l’erreur est punie ou tournée en dérision,
personne ne va oser tenter. Or, c’est en testant,
en se trompant, qu’on apprend. C’est vrai pour
tout le monde.
Et pourtant, dans des environnements comme les
cabinets d’avocats, où la rigueur est centrale, ce
droit à l’erreur est encore très tabou…
Oui, mais il faut distinguer l’exigence de la punition.
Punir une erreur, c’est rajouter de la honte à la
déception du collaborateur qui vient de se tromper.
En quoi cela aide ?
Tu peux avoir une exigence de précision, de rigueur,
de qualité — c’est le métier. Tu peux alors dire :
« Quand on se trompe, on apprend. » Tu changes
complètement l’énergie. Le droit à l’erreur n’est pas
la complaisance ou tolérer l’approximation : on peut
accepter les erreurs et être très exigeant sur le fait
qu’elles ne se reproduisent pas. C’est ce mélange de
pédagogie et d’ambition qu’il faut viser.
Mais alors, comment concilier droit à l’erreur et
qualité des rendus ? Cela passe par de l’organisation :
ne pas attendre le dernier moment pour les retours,
faire des points d’avancement sur les dossiers,
anticiper les allers-retours. Cela peut paraître plus
long, mais c’est en fait un investissement long-terme
sur le développement des équipes. Donc 昀椀nalement
on y gagne.
Tu disais tout à l’heure une phrase qui m’a
marquée : « manager, c’est parler en deuxième ».
PLL : (sourit) Oui, je trouve que c’est une bonne
image. Plutôt que de commencer par donner
ton avis, tu demandes : « Qu’est-ce que toi, tu en
penses ? », « Comment tu l’as vécu ? », « Qu’estce que tu proposes ? » Et ensuite tu complètes,
tu ajustes. Mais si tu parles en deuxième, tu
responsabilises. Et tu dis moins de bêtises aussi.
Vu que tu parles moins… !
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