LexMag 7 - Magazine - Page 40
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La parole du procureur doit
rester rare pour garder son
poids. Mais parfois il faut
rétablir la vérité.
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qu’il doit organiser la communication pour éviter de
subir le déferlement médiatique.
On se souvient tous de l’affaire Grégory : la communication a été chaotique et cela n’a rien arrangé.
Désormais, il faut cadrer les choses, sinon c’est la
porte ouverte au n’importe quoi.
Vous avez une méthode particulière ?
On ne peut pas toujours anticiper, mais on peut
organiser. Typiquement, quand une affaire prend une
dimension médiatique, annoncer un point presse
en 昀椀n d’après-midi permet de calmer la pression.
Les journalistes savent qu’il y aura une parole 昀椀able,
encadrée par la loi.
Je vous donne un exemple : récemment, des journalistes m’ont sollicité, car j’avais requis, en 2004,
contre Didier Laroche, l’auteur présumé d’une joggeuse. J’avais dit qu’il recommencerait, et il a récidivé. Les journalistes voulaient ma réaction.
J’ai refusé, car je ne me souvenais pas assez bien et
je n’avais aucune raison d’intervenir. C’est important
de savoir quand se taire.
Y a-t-il des directives de communication ?
Pas de directives strictes, mais depuis plusieurs
années les ministres poussent les procureurs à communiquer davantage, sur les affaires médiatisées
mais aussi sur l’action quotidienne de la justice.
Car une institution qui ne communique pas
aujourd’hui est incomprise. Et l’image de la justice
n’est pas bonne : perçue tantôt comme trop laxiste,
tantôt trop sévère.
Vous utilisez aussi les réseaux sociaux ?
Oui. Sur les réseaux sociaux, je ne communique
presque jamais sur les affaires médiatiques, mais
je mets en avant l’action quotidienne de la justice.
J’ai eu d’excellents retours, par exemple sur la lutte
contre la prostitution des mineurs. Les réseaux
sociaux permettent une communication proactive et
utile. Ils donnent parfois lieu à des articles de presse
constructive.
Un exemple à D椀樀on : j’avais posté sur la médaille
attribuée à une gre昀케ère. Derrière, un journaliste a
fait une immersion et un long article dans « Le Bien
Public » sur la maison de justice et du droit. Plus
récemment à Bobigny, nous avons signé une convention avec la Croix-Rouge et le Secours populaire
pour redistribuer des scellés (vêtements, jouets,
ordinateurs).
J’ai communiqué dessus : cela a donné un sujet TF1,
et des articles valorisants.
La con昀椀ance avec les journalistes est-elle essentielle ?
Oui. En province, on connaît vite les journalistes
locaux. La con昀椀ance permet, par exemple, de leur
demander de différer une publication de 24 ou
48 heures pour protéger une enquête. Cela évite des
fuites nuisibles. À Bobigny, c’est plus di昀케cile, car les
affaires attirent tout de suite l’attention nationale.
Et quels sont vos rapports avec les avocats ?
Nous n’avons pas le même rôle. L’avocat défend
l’intérêt de son client, il peut changer de position
d’un jour à l’autre. Le procureur représente l’intérêt
général, il doit s’exprimer avec prudence et certitude.
Nous sommes encadrés par l’article 11 du Code de
procédure pénale. Une parole imprudente décrédibiliserait l’institution.
Vous sentez-vous parfois seul dans cet exercice ?
Oui, mais nous avons aujourd’hui plus d’appuis :
formations de l’ENM, chargés de communication
dans certaines juridictions, possibilité de recourir
à une société externe en cas de crise médiatique.
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