Lexmag Numéro 6 spécial été - Magazine - Page 41
permet une meilleure interaction. Des outils d'IA
organisationnelle peuvent nous libérer de certaines
tâches, ce qui rend du temps à l'écoute du client ou
aux échanges avec les collaborateurs. Ça redonne
du sens à la relation professionnelle.
Avocate au barreau de Rennes,
vice-présidente du Conseil
national des barreaux, décorée
de l'ordre national du Mérite,
Hélène Laudic-Baron porte une
vision engagée et humaine du
métier d'avocat. Entre ré昀氀exion
éthique, prise de recul sur
l'intelligence arti昀椀cielle, volonté
de partage et besoin de sens,
elle plaide pour une profession
centrée sur l'humain, l'écoute et
l'engagement. Entretien d'une
grande humanité et sans langue
de bois.
Mais l'IA peut aussi enfermer l'avocat encore plus
dans un 昀氀ux de rentabilité…
C'est vrai. Il y a deux écoles : celle qui utilise l'IA
pour accélérer encore le rythme, augmenter la
rentabilité, et celle que je défends : utiliser ce
temps gagné pour redonner une place à l'humain,
réinterroger le sens de notre pratique, ralentir un
peu. Il ne faut pas reproduire les erreurs que nous
avons déjà connues avec l'instantanéité des mails
ou de la messagerie.
Observez-vous des fractures dans l'accès
aux outils d'IA entre cabinets ?
Oui, notamment en termes d'équipement. Certains
cabinets ne peuvent pas s'offrir tous les outils,
ni recruter une assistante. L'IA peut, à cet égard,
réduire les inégalités. Les outils organisationnels
comme ceux de Microsoft (mails, retranscriptions,
assistants rédactionnels) sont utiles pour les
avocats seuls. Mais ça ne remplacera jamais le
travail humain. Une assistante, c'est aussi une
qualité de service, une voix, un 昀椀ltre, parfois un
soutien pour le client.
Sandrine Jacquemin : Quelle valeur humaine vous
semble essentielle pour exercer le métier d'avocat
aujourd'hui ?
Hélène Laudic-Baron : L'humanité, c'est une valeur
cardinale de notre serment. L'engagement et le
partage me paraissent tout aussi essentiels.
On ne peut bien donner et bien recevoir que si on
sait partager. C'est ce qui m'anime, que ce soit
avec les élèves avocats, les étudiants, ou dans la
transmission de la passion du métier.
Certains gros cabinets déploient leurs propres
outils…
Oui, mais c'est plutôt du sur-mesure à partir d'outils
existants comme Copilot. C'est là que peuvent se
creuser des distorsions. Ce n'est pas le rôle du CNB
d'uni昀椀er ces pratiques, mais les ordres peuvent
mutualiser certains outils, comme ils l'ont fait avec
les contrats d'éditeurs juridiques. Il faut éviter un
monopole, garder la concurrence et l'indépendance
de la profession.
Et dans la relation avec les clients ?
L'écoute. Vraiment. Si on n'écoute pas
correctement, on ne peut pas bien accompagner.
L'intelligence arti昀椀cielle peut-elle, selon vous,
renforcer ou fragiliser la relation avocat-client ?
L'IA peut nous faire gagner du temps. Ce gain de
temps doit être utilisé pour replacer l'humain au
cœur de la relation. Par exemple, aujourd'hui, vous
m'enregistrez au lieu de taper mes réponses, et cela
Des garde-fous éthiques sont-ils prévus ?
Oui. Un guide d'utilisation de l'IA par les avocats a
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