Numero 5 Lexmag - Flipbook - Page 42
Le droit m’a formé
" à observer les jeux
de pouvoir. La CNV
m’a appris à les
dépasser.
lieu de répondre. Un bon manager est un manager
disponible. Et la disponibilité commence par soi.
"
Avez-vous pu expérimenter la CNV en cabinet ?
Très prudemment. C’est di昀케cile de tout changer
d’un coup. On peut passer pour une idéaliste ou une
Bisounours. Alors j’ai commencé par me l’appliquer
à moi-même. Parce que la CNV, ce n’est pas une
méthode miracle. Ce n’est pas une question
de mots : c’est une transformation intérieure.
On apprend à s’écouter, à discerner ce qui se joue
en soi.
Je voyais des jeunes avocats brillants, paniqués,
tétanisés par la pression. J’ai beaucoup écouté.
Le soir, je passais dans les bureaux, je m’asseyais,
j’écoutais. Ce sont ces moments-là qui m’ont
convaincue que l’écoute est une force incroyable.
Comment intervenez-vous aujourd’hui auprès des
cabinets ?
Je forme, j’accompagne, en résidentiel parfois.
On ralentit. On se reconnecte au corps, au sou昀툀e.
Car sous pression, l’humain ne peut pas être créatif.
Et le droit a besoin de créativité ! J’aide à retrouver
les ressources intérieures, à faire émerger ce qui
met en mouvement. En CNV, on parle d’« énergie du
besoin ». Si on touche cette énergie-là, on retrouve
un élan de vie. C’est très puissant.
Vous dites souvent que le manager devrait avant
tout s’écouter lui-même…
Oui, c’est une question de disponibilité. Si je suis
saturée, je ne peux pas écouter. Je peux essayer,
mais ce sera forcé, imposé. Et alors je réagis au
C’est chimique : si je me connecte à mes besoins
— de clarté, de repos, de soutien — je me rends à
nouveau disponible. Je me relie à mon élan vital.
Sinon, j’ajoute des injonctions à mes injonctions.
Et je m’épuise. On n’a pas appris à reconnaître d’où
part notre action, prendre soin de se relier à cet élan
vital avant d’agir…
La hiérarchie en cabinet rend-elle cela plus
di昀케cile ?
Bien sûr. Mais un manager peut donner un cadre
clair, exprimer une priorité sans être violent. S’il est
en lien avec ce qui est essentiel pour lui, il peut faire
une demande claire, ferme et ouverte. C’est là que le
leadership prend sa vraie puissance.
Et la jeune génération ?
Elle nous bouscule. Elle ose dire « Je veux tel salaire,
mais avec tel cadre de travail ». Ça interroge, bien
sûr. Mais souvent, ils sont plus connectés à leurs
besoins, plus à l’écoute, moins dans l’affrontement.
Ils nous obligent à évoluer. C’est précieux.
Vous intervenez aussi dans des médiations
judiciaires. Est-ce que certaines vous marquent
plus que d’autres ?
Une fois, une femme a hurlé à son interlocuteur :
« J’espère que vous mourrez d’un cancer ! ». Une
violence extrême. Mais j’ai su que ce n’était pas elle.
C’était une douleur qui hurlait. Je lui ai dit : « Je n’ai
pas de jugement sur ce que vous venez de faire,
mais j’aimerais entendre ce qui vous traverse ». Elle
a accepté. Elle est restée. J’ai écouté l’urgence de ce
cri à l’intérieur. Elle a découvert la pépite cachée au
cœur de la violence de ce con昀氀it.
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