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Formé au droit pénal, passé
par l’école du fait divers et des
comparutions immédiates,
Nicolas Bastuck revendique une
écriture de terrain : voir, recouper, puis expliquer. Sa boussole ?
La présomption d’innocence et
la pédagogie du contradictoire.
Face au « procès parallèle » qui
se joue sur les plateaux et les
réseaux, il défend la primauté de
l’audience — là où les preuves se
débattent. Portraits d’avocats,
grands procès, dérives émotionnelles : Nicolas Bastuck raconte
la justice sans céder au sensationnel, convaincu que le public
veut comprendre autant qu’il
veut vibrer, un passionné passionnant à découvrir.
ressemblent. Je crois que c’est Clemenceau qui
disait : « le journaliste, c’est un avocat qui écrit ».
Les deux métiers sont indispensables à la démocratie : pas de démocratie sans presse libre, et pas
de démocratie sans défense libre. Les deux sont
d’ailleurs un peu attaqués aujourd’hui, ce qui peut
inquiéter.
J’ai aussi eu une appétence ancienne : j’ai été
« bagagisteur » à 15 ans (rires), j’ai longtemps milité
à l’OIP pour la cause des détenus. Enfant, je regardais « Messieurs les Jurés », des reconstitutions de
procès très bien faites. Ça m’a toujours passionné.
Je suis devenu journaliste ; au début, je ne faisais
pas de justice. Presse régionale, polyvalente : politique, économie… Puis un confrère que j’estimais
beaucoup est décédé ; il faisait du fait divers. J’ai
donc commencé par les faits divers, pendant de
longues années. Excellente école : dans la Presse
écrite régionale, le fait divers est très formateur.
De permanence la nuit, je dormais avec mon portable. Combien de fois les pompiers appelaient pour
un incendie : je prenais ma voiture, j’y allais — et en
arrivant, parfois, il n’y avait plus rien. Mais le principe, c’est de se déplacer, d’être sur le terrain.
Le jour où il y a vraiment quelque chose, ça paye.
Sandrine Jacquemin : Pour commencer : qu’est-ce
qui vous a guidé vers le journalisme, et particulièrement le judiciaire/juridique ? Vous avez suivi des
études de droit ?
Ensuite, j’ai couvert les comparutions immédiates,
et, appétence, hasard et formation aidant, je me
suis retrouvé à traiter la justice.
Le « Graal » du journaliste, c’est l’affaire qu’on n’attend pas et qui prend de l’envergure ?
Nicolas Bastuck : Oui. J’ai fait un D.E.A. de droit
privé, option droit pénal. Mon mémoire portait sur
la garde à vue et la privation de sommeil en garde
à vue. Je montrais comment la garde à vue est,
d’une certaine manière, un vestige d’une époque
où l’on pratiquait la torture judiciaire pour extorquer des aveux — avec tout le régime procédural de
la guerre d’Algérie. Donc, à la fois, une formation et
un peu de hasard.
Le fait divers en soi, non. Le Graal, c’est d’avoir une
bonne information — si possible avant les autres.
Quand j’étais fait-diversier, on faisait la « tournée »,
ça se perd : chaque jour, pompiers, puis gendarmes
(section de recherche, brigade de recherche, compagnie), puis le parquet (la permanence). Quatre
jours sur cinq, on ramenait de la « monnaie » (de
petites brèves). Mais le jour où il y avait un gros truc,
on était les premiers. C’était un investissement.
J’aurais pu être avocat. Je suis devenu journaliste.
Les deux métiers me plaisaient autant, et ils se
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