LexMag 7 - Magazine - Page 50
On vous ouvrait facilement les portes ?
Les gendarmes et les pompiers étaient presque
des amis. À Noël, on distribuait des colis ! (sourire)
On faisait ça tous les jours, et quand l’actualité le
justi昀椀ait, ça payait.
Aujourd’hui, avez-vous observé un changement
dans les relations justice/médias ?
Oui, double mouvement. D’abord, un verrouillage
plus important des enquêteurs : avant, on communiquait davantage. J’entrais au commissariat,
je voyais policiers, commissaires, du planton au
DDSP : accès facile. Aujourd’hui, c’est plus compliqué : crainte des fuites, des responsabilités.
À l’époque, on travaillait « à l’ancienne ». Mes aînés
allaient encore plus loin : on leur ouvrait la main
courante (non informatisée), ils recopiaient ce qui
les intéressait !
En parallèle, la justice a compris l’intérêt de mieux
communiquer, notamment les parquets, pour rétablir des vérités. Des magistrats suivent des formations « presse/justice » — j’ai moi-même participé
à des sessions à l’ENM. Dans les grands procès,
l’organisation est meilleure : il y a parfois un magistrat référent chargé d’organiser le travail des médias
(on l’a vu dans des procès ultra médiatisés comme
Sarkozy, etc.).
Comment jugez-vous la couverture médiatique
des magistrats et des avocats ? Plutôt un levier
ou un obstacle ?
Côté magistrats, il faut distinguer siège et parquet.
En général, les juges du siège ne recherchent pas la
lumière ; certains demandent même qu’on ne donne
pas leur nom. Ils sont soumis à un devoir de réserve
et ne commentent pas un grand procès : impossible
d’avoir la présidente d’assises qui s’exprime après
l’audience.
Les parquetiers, c’est différent. À partir du
moment où l’on est en procédure contradictoire,
je ne suis pas choqué qu’un magistrat du parquet,
pendant une audience, commente ce qui s’est
passé. Le parquet est une partie au procès — les
parties civiles et les avocats le font bien. Parfois,
le parquet communique : on l’a vu au tout début
du procès Dupond-Moretti à la CJR, le procureur
général a pris la parole. Ça peut choquer, mais
pourquoi ? Les avocats parlent avant, pendant,
après. Si le parquet est une partie, pourquoi ne
s’exprimerait-il pas ?
Côté avocats, je pense qu’ils ont intérêt à s’exprimer : ils portent leur parole auprès de l’opinion,
font valoir leurs arguments. Dans un contexte où la
presse est souvent à charge, du côté des victimes
et de l’accusation, c’est bien que la défense apporte
un contrepoint. Et, plus prosaïquement, ça les fait
connaître : voir son mobile à la télé, ça compte
(sourire). Dans la concurrence du pénal, ce n’est
pas mal — pour l’ego aussi, disons-le.
On vous sollicite pour des portraits ?
J’adore faire des portraits d’avocats. Mais quand
on me demande et que je considère que le moment
n’est pas venu, je le dis. Les avocats sont une corporation passionnante : grande diversité de pro昀椀ls
— du droit des affaires à Paris au pénal en province,
propriété intellectuelle, etc. Je rencontre des
personnalités différentes : celui qui fait du cinéma,
cette jeune avocate enfant de la DDASS devenue
avocate d’enfants… Souvent des fortes personnalités. Pour un journaliste, l’univers des avocats est un
objet journalistique formidable.
Le traitement médiatique in昀氀uence-t-il l’opinion
publique — et, au-delà, les procès ?
Je suis réservé sur l’in昀氀uence de la presse sur l’issue d’un procès. Ce sont les juges qui jugent, ils sont
assez imperméables à ce qu’ils lisent. Qu’ils disent
ne pas lire la presse, peut-être ; de là à se laisser
in昀氀uencer, non.
Ce qui m’inquiète, c’est que le procès judiciaire
devienne concurrencé par un procès parallèle,
médiatique : la « vérité judiciaire » ne serait plus
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