Numero 5 Lexmag - Flipbook - Page 62
J’ai réussi le concours de l’ISIT et je suis arrivé
un peu par accident à la fac de droit, sans rien
en connaître, sans avoir d’ambition particulière.
Vous êtes professeur de droit et avocat, deux
métiers très prenants. Comment jonglez-vous
entre ces deux rôles ? Qu’est-ce que chacun
vous apporte ?
Il n’y a pas vraiment de secret : c’est surtout
une question de travail et d’organisation.
J’ai commencé ma thèse en parallèle de mon
activité en cabinet d’avocats, en 2005, donc
il y a bientôt vingt ans. J’ai toujours aimé avoir
cette complémentarité entre l’enseignement,
la recherche et la pratique.
La pratique, c’est aussi le travail en équipe. C’est
aussi le fait d’avoir des clients en face de soi, d’avoir
des échéances brèves, d’avoir des contradicteurs.
Je pense que le fait de travailler en équipe apporte
un peu d’humilité aussi, parce qu’il y a de la
contradiction, parce que son avis n’est pas toujours
celui qui l’emporte, parce qu’il faut composer avec
les uns et les autres, et ne pas se prendre pour
ce qu’on n’est pas, pour une espèce de puits de
science incapable de se tromper, dont la parole
vaudrait dogme.
J’ai toujours concilié les deux, et c’est quelque
chose qui m’apporte énormément. Cela enrichit
notamment mon enseignement, car les exemples
que je donne à mes étudiants sont directement
tirés de situations, contraintes ou contentieux
que j’ai moi-même vécus.
Cette double activité m’a également permis de
développer un réseau professionnel important.
Je peux ainsi inviter dans mes formations
des intervenants issus d’horizons très variés :
Marseille, Aix, Paris, Lyon, mais aussi des ÉtatsUnis, d’Angleterre, et d’ailleurs. C’est extrêmement
enrichissant, non seulement pour moi, puisque je
continue d’apprendre énormément au contact de
ces professionnels internationaux, mais aussi pour
mes étudiants, qui béné昀椀cient concrètement de
cette complémentarité entre théorie et pratique.
Vous dirigez plusieurs formations d’excellence à
Aix-Marseille Université, dont un Master 2 en Droit
des affaires approfondi et un DESU Economic Law
qui réunit des intervenants internationaux. Qu’estce qui vous passionne le plus dans la transmission
du savoir et la formation des futurs juristes ?
Je pense que la plupart des enseignants sont
devenus enseignants parce qu’ils ont eu des
rencontres marquantes. En ce qui me concerne,
ça a été le cas. Je ne suis pas entré à la fac de droit
avec le projet d’enseigner. Je ne suis pas issu d’une
famille de juristes ni d’enseignants, ce n’était pas un
chemin évident. Je pensais devenir avocat.
Et puis, j’ai commencé à débattre avec un ami.
À cette époque, on allait encore photocopier des
ouvrages à la bibliothèque, du moins quand les
pages n’avaient été arrachées. On se lançait dans
des discussions animées sur de nombreux sujets,
dont la théorie de l’imprévision. Il y avait déjà
une vraie passion pour le débat contradictoire,
l’échange, la recherche, la rhétorique.
Je n’étais pourtant pas un étudiant modèle :
j’ai redoublé ma première année de droit, la vie
n’était pas toujours simple. Puis un jour, je suis
allé assister à un cours de droit des contrats en
deuxième année, et là j’ai découvert un professeur
extraordinaire, Didier Martin, qui est aujourd’hui à la
retraite. Il faisait cours sans notes. J’étais fasciné
par son agilité intellectuelle et la passion qu’il
dégageait, tempêtant parfois contre les arrêts de la
Cour de cassation ou les lois inutiles et mal écrites.
Il m’a profondément marqué et a allumé quelque
chose en moi.
L’année suivante, lorsque j’étais véritablement
en deuxième année, je suis passé du statut de
redoublant à celui d’étudiant obtenant une mention.
Je voulais laisser derrière moi cet épisode d’échec
et désormais faire partie des meilleurs. Je me
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