LexMag 7 - Magazine - Page 88
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L’IA améliore quand même le moteur de recherche :
la pertinence monte, le « bruit documentaire » —
les réponses hors sujet — diminue. Mais le silence
documentaire persiste : aucune IA n’est exhaustive.
Prenez Lexis, pourtant la base la plus complète :
son IA fournit des réponses justes à 90%, mais il
manque régulièrement un élément. En analyse, c’est
correct ; en couverture intégrale, non. Et une omission peut faire basculer un dossier.
Bref, l’IA est un outil de plus : elle aide, elle accélère,
mais elle ne remplace pas l’expertise humaine.
Sur le plan pratique, comment l’utilisez-vous ?
Vous restez sur les moteurs à mots-clés ou exploitez le langage naturel ? Vous voyez l’IA comme un
booster de ré昀氀exion, donc ?
J’alterne. Si je sais exactement ce que je cherche –
un numéro de décision, par exemple – je n’ai aucun
intérêt à formuler une phrase pour l’IA : je saisis
la référence, ça va plus vite. Quand on maîtrise un
domaine pointu, on n’a pas besoin d’un prompt
昀氀euve ; parfois, l’IA ajoute même du bruit inutile.
En revanche, pour une recherche ouverte, le langage naturel est un vrai plus : il oblige à penser différemment et peut faire surgir des pistes inédites.
Oui, sur la forme. Le fond – le raisonnement juridique – ne change pas. Mais l’approche évolue :
l’IA peut suggérer d’autres angles. Ce que j’attends
encore, c’est qu’elle propose, à la 昀椀n, des pistes
adjacentes : « Vous pourriez aussi explorer telle
notion, telle source ».
Certains outils, comme Perplexity et Lexbase,
le font : ils livrent une réponse sourcée ?
Voilà. On ne peut pas se permettre du marketing
creux ; dans le droit, comme en santé, l’erreur est
proscrite. Pour l’instant, l’IA améliore la pertinence
– elle réduit le bruit documentaire – ; mais elle laisse
subsister le silence documentaire. Aucune n’est
exhaustive ; même la plus complète couvre 90% du
besoin et peut manquer LE point qui ferait basculer
un dossier.
Dans un jeu fermé, la
machine écrase l’humain ;
dans le droit, qui touche
à la vie quotidienne,
elle reste limitée : pas
de mémoire vécue,
pas de contexte, pas
d’expérience. L’IA enrichit
la recherche, mais elle ne
la remplace pas.
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La question de l’acceptabilité est intéressante :
si la majorité des avocats utilisent l’IA, ils sont aussi
très nombreux à s’en mé昀椀er ?
Et c’est normal. On parlait tout à l’heure d’expertise
humaine : ils savent qu’un algorithme n’égale pas
encore un cerveau dans un jeu ouvert. Dans un jeu
fermé, la machine écrase l’humain ; dans le droit,
qui touche à la vie quotidienne, elle reste limitée :
pas de mémoire vécue, pas de contexte, pas d’expérience. L’IA enrichit la recherche, mais elle ne la
remplace pas.
Vous travaillez surtout pour des cabinets, mais
observez-vous des usages différents entre avocats,
juristes d’entreprise, notaires, magistrats ?
Dans le détail, oui ; dans l’approche, non. Tout le
monde passe par les mêmes portes : soit le moteur
de recherche, soit l’entrée par la matière. Les trois
sources — texte, doctrine, jurisprudence — restent la
base, mais l’ordre d’importance change :
- Notaire : le texte avant tout.
- Avocat : texte d’abord, doctrine ensuite, jurisprudence en soutien.
- Magistrat : texte et jurisprudence ; la doctrine
l’intéresse pour éclairer, pas pour décider.
- Juriste d’entreprise : surtout la réglementation
sectorielle.
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