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À propos de personnalisation : rapidité et pertinence priment, mais la personnalisation est-elle
vraiment une attente forte ? On a beaucoup vendu,
à un moment, l’idée de la « personnalisation » dans
les bases : créer son propre dossier, le nourrir,
recevoir des alertes… Qu’en pensez-vous ?
Curieusement, on en parle peu. Les utilisateurs
réclament d’abord la bonne réponse, vite et sûre.
La personnalisation viendra peut-être ensuite,
mais, pour l’instant, elle n’est pas en haut de la liste.
Pour une raison simple : la con昀椀dentialité. Qui irait
déposer un dossier sensible sur la plateforme d’un
éditeur ? Personne. Dès qu’on téléverse des pièces,
quelques mots-clés su昀케sent à dévoiler la nature
du litige — impensable. Beaucoup d’éditeurs
espèrent pourtant que les utilisateurs rempliront
leurs pro昀椀ls. Mais cette « personnalisation » sert
d’abord à entraîner l’algorithme, pas à aider l’avocat.
Ensuite, la rapidité est devenue le vrai mantra.
Tout le monde veut aller vite, parfois au détriment
de la qualité — cela dépend de la politique du cabinet. Certains facturent sur le volume, d’autres
misent sur la qualité.
Vous, en tant que documentaliste, vous sentez
immédiatement la stratégie d’un cabinet ? Et ça,
vous arrivez à le faire entendre aux avocats ?
Oui, dès le budget documentaire. Il y a deux écoles :
l’approche anglo-saxonne, où la documentation
est un investissement indispensable, et l’approche
« coût » — on réduit le nombre de sources et le
temps de recherche au maximum.
Les appels d’offres publics exigent un « sourcing
documentaire ». À égalité de prix, le client choisira
le cabinet qui a昀케che plusieurs bases plutôt que
celui qui travaille seulement avec Légifrance.
Un managing partner m’a dit que l’investissement
dans la documentation et un bon documentaliste
avait fait grimper la qualité du travail des associés
et collaborateurs — les clients l’avaient senti.
Vous avez une sacrée responsabilité : on vous
sollicite souvent en urgence ? Pourtant, la fonction
documentaire reste peu reconnue.
"
Il y a deux écoles :
l’approche anglo-saxonne,
où la documentation
est un investissement
indispensable, et l’approche
« coût » — on réduit le nombre
de sources et le temps de
recherche au maximum.
"
Exactement. L’urgence est permanente ; si la relation de con昀椀ance n’existe pas, c’est impossible. Mais
quand l’avocat sait qu’on ira chercher, au besoin, la
troisième source et qu’on lui remettra quelque chose
de solide, il accepte ce temps d’enquête.
Nous tenons la boutique quand l’urgence frappe,
mais, dans la hiérarchie interne, on nous classe souvent derrière la communication, l’informatique ou la
compta. C’est paradoxal : un cabinet peut survivre
sans service marketing ou sans RH, il ne peut pas
fonctionner sans accès 昀椀able aux textes,
à la doctrine et à la jurisprudence.
La con昀椀ance se bâtit au quotidien : répondre
vite, montrer qu’on sait où chercher, entretenir le
contact. Elle peut s’effondrer en deux secondes,
mais lorsqu’elle est là, l’avocat n’hésite plus :
il décroche, dit « Sébastien, trouve-moi ça tout
de suite », et il sait que le résultat arrivera.
Comment voyez-vous l’avenir des
documentalistes ?
Je suis très optimiste. On nous a déjà prédit notre
disparition plusieurs fois : avec Internet, puis la 昀椀n
du papier, puis l’IA… Or, quand je vais sur LinkedIn,
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