LexMag 7 - Magazine - Page 94
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Vous êtes donc devenus presque porteurs
d’affaires ?
Oui, complètement. On travaille main dans la main
avec les banques d’affaires et les fonds, qui viennent
nous voir parce qu’ils savent qu’ailleurs ils n’auront
pas cette profondeur d’analyse. C’est une position
stratégique majeure.
On ré昀氀échit aussi aux entreprises en di昀케culté :
découpe, re昀椀nancement, cession d’actifs… Notre
rôle est d’anticiper les plans sociaux, de repérer les
signaux faibles, et de positionner le cabinet sur les
gros dossiers. C’est du business development, mais
fondé sur la veille juridique et réglementaire, armé
d’informations 昀椀nancières.
Ce rôle d’anticipation c’est aussi une des spéci昀椀cités des cabinets anglo-saxons ?
Tous les cabinets ne fonctionnent pas ainsi. Surtout
en France. Les anglo-saxons ont une longueur
d’avance : ils ont compris que la documentation
pouvait devenir une passerelle stratégique, pas seulement un outil de consultation. On a même monté
un incubateur avec des startups, à qui on donnait
accès à certaines données et à des avocats, pour
co-développer des solutions. C’est ce qui nous a
permis de travailler avec Harvey, par exemple.
Et avec toutes ces innovations, quels sont les
risques ?
Le principal risque, c’est la sécurité des données.
Dès qu’on signe avec un éditeur, il impose une
clause qui prévoit 30 % du contrat en terme d’utilisateurs, voire 30% du contrat initial sans IA. Sur un
contrat à X00 000 €, c’est énorme. En plus, ce qu’on
alimente pro昀椀te aussi à l’éditeur. Alors quand on
nous propose de tester une IA sans période d’essai
gratuite, c’est non. Le temps d’un avocat est bien
trop cher pour servir de bêta-testeur. “Sécurité” et
“compliance” sont nos garde-fous dans ces négociations. À raison !
L’IA est capable de
lire toutes les pièces
d’un dossier en un
temps record, mais
elle n’a pas la 昀椀nesse
d’analyse humaine.
Dans un procès, par
exemple, la stratégie
peut consister à
répondre “oui” à tout
sauf à l’essentiel,
pour déstabiliser
l’accusation. Ça, c’est
une intuition d’avocat,
pas une logique de
machine.
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Dans un environnement où l’automatisation progresse, comment garantir la qualité et la pertinence des données juridiques ?
C’est un vrai débat. La 昀椀abilité est monumentale.
Parfois, on doit tout redécomposer pour véri昀椀er que
le raisonnement est correct. Et puis il y a la question de la formation des jeunes : beaucoup n’ont
pas connu le papier, les archives. Ils arrivent sans
culture de la recherche. Or, la valeur humaine reste
indispensable. Même avec l’IA, il faudra toujours
apprendre à un avocat à plaider, à aller au palais,
à se confronter à un juge.
Vous pensez donc que l’IA ne peut pas remplacer
certaines dimensions du métier ?
Exactement. L’IA est capable de lire toutes les
pièces d’un dossier en un temps record, mais elle n’a
pas la 昀椀nesse d’analyse humaine. Dans un procès,
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