Numero 4 Lexmag - Magazine - Page 11
j’étais jeune, une femme, et pour être plus précise,
j’ai été nommée alors que j’étais enceinte. De plus,
je n’ai jamais exercé la profession d’avocate et mon
expertise est digitale. Si on analyse objectivement
ces critères, ils ne correspondent pas du tout au
profil type d’un directeur juridique. Si l’on avait
demandé à un outil d’IA de classer les candidatures
en fonction des données qu’il a à disposition, je suis
presque certaine que ma candidature aurait été
placée en bas de la liste.
reste de l’entreprise avance sur ces sujets pour
pouvoir les approfondir.
Cela dit, au sein du service juridique, nous
sensibilisons beaucoup sur ces thématiques, et il
n’y a pas réellement d’appréhension. C’est un peu
comparable à l’arrivée de Word ou d’Excel à leurs
débuts. Je m’imagine que les premiers juristes
se demandaient s’ils devaient les utiliser ou non.
Finalement, c’est une évolution naturelle qui
demande un peu de temps et d’adaptation. Nous
voyons ces outils avant tout comme des moyens
d’optimiser notre travail en nous faisant gagner
du temps, notamment grâce à une meilleure
organisation. Cependant, ils ne remplaceront jamais
les juristes. Cela dit, nous pensons qu’il est crucial
d’être formés pour tirer le meilleur parti de ces
technologies et accompagner leur intégration
dans notre métier.
Pourquoi ? Parce que les données montrent
qu’il y a historiquement moins de femmes que
d’hommes à ces postes, que la jeunesse et la
maternité peuvent être perçues comme des
facteurs limitants, et que mon parcours ne
correspond pas aux standards traditionnels.
C’est un exemple que j’aime rappeler pour souligner
l’importance de ne pas se fier uniquement à l’IA
ou à la data. Ce sont des outils, pas des décideurs.
L’intuition humaine, le contexte, et une vision
globale restent essentiels pour prendre des
décisions justes et éclairées.
Je pense notamment aux jeunes générations, qui
travailleront sans doute naturellement avec des
outils comme ChatGPT, Gemini, et d’autres. Il est
essentiel de les former non seulement à leur usage,
mais aussi à des compétences fondamentales
comme la gestion des con昀氀its d’ancienneté des
données et le maintien d’un esprit critique. Par
exemple, j’insiste souvent auprès de mon équipe
sur le fait que ces outils, lorsqu’ils sont poussés
dans leurs limites, peuvent fournir des informations
incorrectes. Ils ne prennent pas de décisions
autonomes, mais se basent sur les données
disponibles dans leur système.
C’est un très bel enseignement, et cela me
fait penser à la culture de Decathlon, qui
semble justement très ouverte sur ces sujets.
L’image de l’entreprise, vue de l’extérieur,
est extrêmement positive. Si je ne me trompe
pas, Decathlon figure régulièrement parmi
les entreprises préférées des Français. On a
vraiment l’impression d’une entreprise saine
dans ses valeurs, avec une forte cohérence
entre ce qu’elle affiche publiquement et ce
qu’elle met en œuvre en interne. Les JO ont
d’ailleurs renforcé cette image, ajoutant une
belle dose de renommée et de rayonnement.
Cela soulève des défis, notamment en matière
de veille géopolitique, d’intelligence contextuelle,
et d’anticipation des évolutions réglementaires.
Ces outils ont encore du mal à intégrer des variables
complexes ou des dynamiques en constante
évolution, des domaines où l’intervention humaine
reste indispensable.
Mais cette perception est-elle la même de
l’intérieur ? C’est une question délicate,
je le sais, mais selon vous, est-ce que ces
valeurs positives et ce dynamisme se
retrouvent également dans la vie quotidienne
de l’entreprise ? En vous écoutant,
j’ai tendance à le croire.
Oui, bien sûr, parce qu’il n’aura pas la
sensibilité et l’intelligence humaine de
comprendre le contexte dans sa globalité.
L’exemple que je donne souvent à mon équipe,
c’est ma propre nomination comme directrice
juridique. Quand j’ai été nommée, j’avais 35 ans,
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