Numero 4 Lexmag - Magazine - Page 28
PORTRAIT Malak Tazi
les prochaines années ? Sera-t-il un simple
soutien juridique ou un véritable « business
partner » stratégique ?
Écoutez, ça me ravit. Alors, quel est le plus
grand mythe que les gens ont sur votre travail
de juriste ?
Pour moi, ce n’est pas vraiment une évolution, mais
plutôt quelque chose qui devrait déjà être en place.
En fait, je pense qu’il faut aller au-delà de la notion
de « juriste business partner » pour vraiment devenir
un juriste opérationnel. C’est quelque chose qui me
tient vraiment à cœur : être sur le terrain, au plus
près des besoins.
Alors, j’ai hésité parce qu’il y a quand même beaucoup
de mythes autour des juristes. J’ai hésité entre
plusieurs : le mythe du juriste qui travaille moins et
qui a des dossiers moins intéressants que les avocats,
ou encore celui du juriste qui entrave le business.
Et puis, il y a aussi ce mythe du juriste qui aurait une
réponse immédiate à tout, sans aucune recherche
préalable. Mais celui qui, pour moi, me gêne le plus
— et que je combats vraiment — c’est le mythe de la
direction juridique vue comme un centre de coût.
Alors que, très clairement, c’est un département
créateur de valeur et d’économies.
Et d’ailleurs, je me rends compte que c’est ce que
j’aime le plus dans mon travail, cet aspect très
opérationnel. On pourra en reparler si vous voulez,
mais pour moi, le rôle de directeur juridique est
clé dans le processus de décision. Et pour ça, il faut
s’appuyer sur quelques points essentiels.
Déjà, il faut un vrai ancrage terrain. Être proche
des opérations, comprendre leurs besoins,
anticiper les réglementations, prévenir les risques.
On veut éviter d’être en mode pompier, à gérer des
crises tout le temps.
Ensuite, travailler en mode projet, en équipes
transverses, c’est indispensable. On ne peut pas faire
de bonnes recommandations sans avoir une vision
globale du business. C’est aussi pour ça qu’il faut
vraiment bien connaître l’activité de l’entreprise, ses
enjeux. Sinon, on reste dans un rôle très théorique,
et ce n’est pas ça qui aide les équipes. On a aussi
un gros focus sur la formation et la sensibilisation.
Chez nous, c’est une priorité. Dans mes équipes, tout
le monde doit réaliser au moins cinq actions dans
l’année : ça peut être formaliser des process, créer
des guidelines, ou former quelqu’un sur un sujet.
L’idée, c’est de rendre le droit accessible à tout le
monde et de contribuer à l’intérêt commun.
Et puis, il y a aussi l’aspect innovation. On doit
toujours être dans le mouvement, que ce soit avec
le Legal Design, les copilots IA, ou d’autres outils.
On n’a pas le choix, il faut monter dans le train dès
le départ, sinon on prend du retard.
Passons maintenant aux questions un peu
plus légères.
On gagne des procès, on sécurise des contrats, on
réduit les coûts en travaillant en interne plutôt que
de multiplier les recours à des avocats externes.
On évite des risques et des dépenses potentiels grâce
à notre travail de prévention. Ce rôle de support
stratégique et profitable, c’est quelque chose qu’on
doit continuer à défendre, pour casser cette vieille
idée de centre de coût.
Si vous pouviez donner un conseil juridique
à votre « vous » de 20 ans, que diriez-vous ?
Ce qui m’aurait fait gagner du temps… Alors, en fait,
la difficulté, c’est qu’à l’époque, nous n’étions pas du
tout accompagnés sur les sujets de carrière. Nous
connaissions les filières de droit, oui, mais il n’y avait
personne pour nous guider ou nous dire : « regarde
plus loin que ça. » Le conseil que j’aurais aimé recevoir
à ce moment-là, c’est d’élargir mon horizon ; aller
au-delà du droit, par exemple faire Sciences Po ou
intégrer une école de commerce, quelque chose de
complémentaire. Et surtout, partir à l’étranger pour
un long séjour.
Bon, ça, je le savais déjà. Mais à 18 ans, quand je
suis arrivée seule en France, c’était déjà un énorme
changement. Repartir tout de suite n’était pas
envisageable. Pourtant, avec le recul, je pense que
sortir du droit et sortir de France auraient été des
étapes clés.
Oui, ça m’a bien amusée et aussi fait ré昀氀échir.
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