Numero 4 Lexmag - Magazine - Page 5
platon
platon
Et pourquoi cela, Protagoras ?
Voilà une chaîne que je trouve pesante. Mais
dis-moi, la déontologie ne pourrait-elle pas être
étendue à ces juristes d’entreprise ?
protagoras
C’est une question de statut, mon cher. Le juriste
d’entreprise n’est pas avocat, même s’il peut l’être
de formation. Il est salarié, et sa loyauté va d’abord
à son employeur. On le soupçonne, à tort ou à
raison, d’être un peu trop… intéressé.
protagoras
Intéressé ? Mais le juge ne l’est-il pas aussi par son
serment ? L’avocat par son serment ?
Il y a bien eu des débats sur le sujet. Certains
plaident pour leur intégration à un ordre des juristes
d’entreprise, avec serment et déontologie. Mais
d’autres craignent une confusion des rôles. Imagine
un avocat et un juriste d’entreprise discutant : « toi,
tu factures tes heures, moi, je suis payé pour être ici
de 9h à 18h. » C’est un choc culturel, mon ami.
protagoras
platon
Certes, mais ces professions réglementées,
comme les avocats, notaires ou commissaires
de justice, sont enveloppées d’un manteau de
déontologie épais comme celui d’un Spartiate
en hiver. Ils sont soumis à des Ordres, des codes
stricts. Le juriste d’entreprise, lui, navigue dans
des eaux moins encadrées.
Et que penserait Socrate de tout cela ?
platon
Platon
Mais n’est-ce pas injuste ? Le juriste d’entreprise
peut-il être un vrai juriste si on lui refuse le legal
privilege ?
Et toi, que penses-tu, Protagoras ?
platon
protagoras
Il te dirait que la question n’est pas ce qu’un juriste
d’entreprise fait, mais ce qu’il est. Est-il un serviteur
du droit ou un simple rouage dans la machine de
l’entreprise ?
protagoras
Je pense qu’un juriste d’entreprise est comme
un philosophe. Il sait que la vérité pure est hors
d’atteinte, mais il s’efforce de s’en approcher, tout en
jonglant avec les réalités du quotidien.
protagoras
Cela dépend de ce que tu entends par «vrai».
En France, le droit est empreint d’une mé昀椀ance
historique envers ceux qui servent deux maîtres :
la loi et le pro昀椀t. On considère qu’un juriste salarié
pourrait être tenté d’adapter la vérité à son client.
platon
Une belle image, en effet. Mais il reste une
question : peut-on vraiment faire con昀椀ance à celui
qui n’a pas de serment ?
platon
Pourtant, n’est-ce pas également le rôle de l’avocat,
d’adapter la vérité dans la lumière du droit ?
protagoras
protagoras
Et toi, Platon, peux-tu faire con昀椀ance à un
philosophe qui n’a pas écrit de livre ?
Touché, Platon ! Mais l’avocat, lui, peut refuser une
cause. Le juriste d’entreprise, pris dans les rouages
de la hiérarchie, a-t-il vraiment ce luxe ?
Ils éclatent de rire et s’éloignent, poursuivant
leur conversation à voix basse, laissant derrière
eux les échos d’un débat éternel.
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