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prestations de service, achats). Cette entreprise s’est fait connaître en 2018 en
publiant les résultats d’une compétition qu’elle avait organisée entre son outil
d’IA et vingt juristes. Chacun devait analyser trente clauses standards dans plusieurs accords de confidentialité et en extraire le sens. Par exemple, il s’agissait
d’identifier la loi applicable, de définir les informations couvertes par la confidentialité ou encore le régime de responsabilité [7]. L’IA s’est illustrée avec brio
dans cette compétition, en obtenant un taux de réussite plus élevé que le taux
moyen des juristes pour chacun des contrats (91 % à 100 % contre 83 % à 86
%). Rappelant la victoire de Deep blue sur Garry Kasparov et celle d’AlphaGo
contre Ke Jie [8], le match de Lawgeex ravivait l’idée que l’IA était susceptible
de réaliser des tâches intelligentes mieux que les humains. Cette victoire de
l’IA juridique fut importante, car elle confortait l’idée que l’activité des juristes
était, au moins pour partie, délégable à des systèmes automatisés. Elle demeurait relative, car les fonctions de Lawgeex se limitaient, à cette époque, à la lecture de documents juridiques et à la restitution de leur contenu.
Un projet académique mené au European University Institute en Italie illustre
les avancées de l’IA en matière d’expertise juridique. Ce projet dénommé
Claudette [9], porte sur l’analyse juridique de clauses issues des conditions générales d’utilisation de services numériques courants, tels que Google, Facebook
ou Twitter. L’objectif de ce projet consiste à détecter des clauses illicites dans les
contrats. Fondé sur une phase d’annotation humaine, Claudette apprend à relier
certaines expressions (ou phrases) du langage juridique à une cause d’illicéité.
Par exemple, l’IA est capable d’identifier une clause limitative de responsabilité
et de lui associer un degré d’illicéité. L’intérêt du projet Claudette réside dans la
capacité de l’IA à produire une opinion juridique sur un texte, simulant ainsi une
activité humaine relevant de la compétence des juristes.
Identi昀椀er les décisions de justice pertinentes
La recherche de jurisprudence est une tâche intimement associée à l’intelligence juridique. Durant plusieurs siècles, cette tâche a été réalisée à la main,
sur la base d’index de revues. Seuls étaient visibles les arrêts publiés ou commentés. L’informatique juridique a permis de développer à la fois le contenu
des bases de jurisprudence, mais également la recherche booléenne, utilisant
mots clés et opérateurs (et/ou). L’open data des décisions de justice, issue de la
loi pour une république numérique, [10] a transformé le paysage jurisprudentiel. En ouvrant l’accès aux décisions des juridictions du fond, cette loi a redéfini
la fonction même de la publication des décisions de justice. À côté des arrêts
faisant jurisprudence, apparaissent les décisions ordinaires, qui présentent
des similarités avec l’a昀昀aire dont un avocat ou un juge est saisi. L’idée qu’une
situation similaire appelle une décision similaire est très prégnante dans l’univers juridique. L’e昀昀et de « précédent » n’est pas seulement une règle réservée à
la Common law. Il s’agit d’un ré昀氀exe juridique, somme toute assez naturel. Tout
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[7] V., le site Superlegal.
[8] L’intelligence arti昀椀cielle
AlphaGo bat une nouvelle fois
le champion du monde de go,
Le Monde, 25 mai 2017.
[9] V. le site Claudette.
[10] Loi n° 2016-1321 du 7 octobre
2016 pour une République
numérique