Numero 4 Lexmag - Magazine - Page 57
de substrats optiques. En d’autres termes, l’IA est créative. Elle suggère un [15] A. Unikowsky, In AI we trust,
contenu spécialisé propre au contrat envisagé. L’IA peut encore améliorer sa part II, Adam’s Legal Newsletter
[en ligne].
performance en analysant la base de données de contrats de l’entreprise ou du
cabinet d’avocat. Elle peut être installée directement sur les serveurs du client
et préserver son secret professionnel en évitant toute fuite de données.
De façon plus ambitieuse encore, dans un article intitulé In AI we trust,
Part II [15], Adam Unikowsky, un juriste américain, explore les capacités du
chatbot Claude 3 Opus, de trancher des a昀昀aires qui ont été portées devant la
Cour suprême des États-Unis et de rédiger les décisions. Pour cela, il a soumis
à cette IA tous les mémoires et arguments présentés par les parties pour les
a昀昀aires traitées au cours d’une législature. Claude 3 a ensuite rédigé les décisions, dont 72 % s’avéraient concorder avec celles des juges humains (27 décisions sur 37 cas). Lorsque l’IA divergeait, ses raisonnements apparaissaient
néanmoins justifiés et raisonnables. Cet auteur en a conclu qu’avec une formation supplémentaire (par exemple, en lui enseignant l’intégralité de la jurisprudence américaine), cette IA pourrait devenir un assistant efficace pour les
juges, en produisant des décisions argumentées en un temps record (environ
5 000 fois plus rapide qu’un humain).
Inspirés par cette expérience, nous avons entrepris une démarche similaire en
utilisant l’outil généraliste MistralAI. En lui exposant les faits d’un cas réel de
séparation d’un couple, nous lui avons demandé de déterminer la résidence
habituelle d’un enfant, ainsi que le droit de visite et d’hébergement de l’autre
parent, et de formuler sa réponse sous la forme d’un jugement. Le résultat de
cette expérience a été concluant, tant sur le fond que sur la forme. MistralAI
a pris une décision qui correspondait à celle du juge humain dans le cas réel
de référence : il a non seulement fixé la résidence habituelle de l’enfant de la
même manière, mais a également statué sur le droit d’hébergement de l’autre
parent en prévoyant un aménagement progressif, comme dans la décision originale. De manière inattendue, le chatbot a aussi statué sur les frais de l’article 700 du Code de procédure civile, bien que cela ne lui ait pas été demandé ;
ce qui témoigne de son niveau d’apprentissage et de sa capacité à trancher
des prétentions non explicitement formulées. Sur le plan formel, MistralAI a
structuré le jugement, en séparant clairement les « motifs » de la décision ellemême, bien que la structure de ce document se distingue de la trame rigoureuse des décisions de justice (faits, procédure, argumentation des parties,
motifs, dispositif). Cette expérience ne permet pas de conclure que l’IA rend
la même décision que la juridiction saisie. Elle ne garantit pas non plus que
le raisonnement juridique de l’IA soit systématiquement juste. En revanche,
elle permet d’imaginer qu’avec une étape d’apprentissage suffisante, les systèmes seront capables de rédiger, au moins pour partie, des actes juridiques
aussi complexes que des décisions de justice. En particulier, on peut penser
que ce type d’outils pourraient être capables de générer la partie non décisionnelle (faits, procédure, argumentations des parties), en laissant au juge le soin
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