Numero 4 Lexmag - Magazine - Page 65
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Les cabinets et les
services juridiques
devront intégrer des
pro昀椀ls hybrides,
à l’interface entre
droit et technologie
"
fuites de données ou de violations du secret
professionnel. Cela est particulièrement
préoccupant dans le cadre des professions
réglementées, où le respect de ce secret est
une obligation déontologique fondamentale.
D’autre part, il existe un risque lié au potentiel
manque de transparence des algorithmes
utilisés par ces outils. Si l’origine des données
d’entraînement ou les mécanismes décisionnels
de l’IA ne sont pas clairs, il peut être difficile pour
un avocat de garantir que l’utilisation de ces
technologies respecte les normes éthiques et légales
de sa profession.
Pour atténuer ces menaces, il y a nécessité d’une
vigilance accrue, d’un contrôle renforcé et d’une
certaine transparence dans l’élaboration des outils.
Comment l’IA générative va, selon vous, redé昀椀nir les
rôles au sein des cabinets d’avocats et des services
juridiques ? Est-ce que les métiers de la Justice
doivent s’attendre à des suppressions de poste en
raison de l’automatisation de certaines tâches ?
L’IA générative a le potentiel de redéfinir en
profondeur les rôles au sein des cabinets d’avocats
et des services juridiques, mais il est important
de ne pas surévaluer ses e昀昀ets. Si elle automatise
certaines tâches, elle ouvre aussi des opportunités
pour réorienter les métiers vers des activités à plus
forte valeur ajoutée. Ce qui est certain, c’est que
les métiers du droit semblent particulièrement
perméables au développement de l’IA générative.
Néanmoins, peu de recherches récentes ont été
conduites sur ce sujet. Si une étude de la North
Carolina Law Schooldatant de 2016 affirmait
qu’uniquement 13 % des emplois juridiques seraient
en danger, de nouveaux travaux universitaires tenant
compte de l’arrivée à maturité des technologies
d’IAG ont conduit à reconsidérer l’impact qu’elles
pourraient avoir sur l’emploi dans les cabinets
d’avocats. Une étude de mars 2023 a ainsi estimé que
les services juridiques étaient le secteur d’activité le
plus directement soumis aux modifications induites
par les « large language models ».
Une analyse de la banque « Goldman Sachs »
de mars 2023 a de même souligné que 44 % des
emplois de ce secteur étaient exposés à une
automatisation, au moins partielle. Il est donc
nécessaire de conduire d’autres études pour mieux
appréhender l’impact du développement
de l’intelligence artificielle sur les ressources
humaines des cabinets d’avocats, d’autant que cet
impact est di昀昀érencié selon les spécialités.
Nous devrons donc être extrêmement vigilants
quant à la gestion des ressources humaines dans les
métiers du droit au cours des prochaines années.
Toutefois, si l’automatisation peut réduire la charge
de travail sur certains segments et ainsi conduire
à la suppression de postes, elle génère aussi de
nouveaux besoins, notamment en termes de gestion
et d’encadrement des technologies. Par exemple,
des compétences en supervision des algorithmes
ou en analyse de données juridiques deviennent de
plus en plus importantes. Les cabinets et les services
juridiques devront intégrer des profils hybrides,
à l’interface entre droit et technologie.
Enfin, nous mettons en garde contre le risque
de creuser les inégalités au sein des métiers de
la justice. Il est essentiel d’accompagner cette
transition technologique par des politiques de
formation, de régulation et de soutien financier,
afin de préserver l’équilibre et l’accessibilité de la
profession. Dans ce cas, l’IA générative pourra être
vue comme un outil de complémentarité et non
comme une menace pour les emplois.
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